samedi 3 décembre 2016

Wayne Shorter Quartet à la Philharmonie de Paris

Un critique ne devrait pas dire ça


On ne devrait jamais dire qu’on a vu le meilleur groupe de jazz du monde. Même quand il s’agit du Wayne Shorter Quartet, de passage à la Philharmonie de Paris mardi dernier. On ne devrait pas le dire, mais cela n’implique pas qu’on doit bouder son plaisir. Car ce qui s’est passé ce soir-là dans la salle Pierre-Boulez avait quelque chose d’exceptionnel. Un grand moment de liberté musicale. Le public l’a bien senti. Debout après le deuxième rappel, il a respectueusement salué un artiste qui sait se réinventer à chaque phrase, alors qu’il a 83 ans et qu’il n’a vraiment plus rien à prouver.

Sphinx bien calé dans le coude du piano à queue de Danilo Pérez, Wayne Shorter est tout en économie de moyens. Mardi soir, il était bien plus avare de ses notes que sur son dernier disque, pourtant enregistré en live avec la même formation. Effet de l’âge, diront certains. Peu importe. Car la musique que ce quartet a donnée mardi soir y a, il fallait le voir pour le croire, gagné en intensité.

Peut-on définir ce qu’ils nous ont fait entendre ? C’était du jazz, bien sûr, mais un jazz très personnel. Cette formation ne recherche ni les solos, ni le groove, ni le blues. Si on en trouve dans leurs morceaux, c’est que leurs pas les ont guidés jusque là. Leur qualité première ? Laisser l’inattendu faire de la musique, se laisser guider par leur talent sur des terres inconnues.
 
Oscillant  entre un ténor détimbré et un soprano plus acide, le saxophoniste est à l’aise dans ce son qu’il ne dirige pas. Une seule fois, on l ‘a vu esquisser un geste en direction de Brian Blade. Elan vite réprimé pour laisser la créativité de son batteur s’épanouir. La complicité entre ce dernier et le contrebassiste John Patitucci est jouissive, et on peut en dire autant de celle qui règne entre Danilo Perez et Wayne Shorter.
 
Alors bien sûr qu’on n’a pas vu le meilleur groupe de jazz du monde. Le meilleur groupe de jazz du monde, c’est comme le père Noël. Ou Dieu. On en parle beaucoup, et personne ne l’a jamais vu. Mais quand même, mardi soir, sur la scène de la Philharmonie, ça y ressemblait beaucoup.

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Wayne Shorter Quartet à la Philharmonie de Paris - 29 novembre 2016
Wayne Shorter : saxophones ténor et soprano
Danilo Pérez : piano
John Patitucchi : contrebasse
Brian Blade : batterie 

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